Réflexions d’un journaliste sortant inquiet

C’est avec un pincement au coeur que je sors du journalisme, du moins pour un certain temps, après presque 15 ans passés dans les salles de nouvelles. Avec des inquiétudes sur l’avenir de mon métier.

Même si je pars pour l’Allemagne, pour un poste dans le secteur des communications – je détaillerai probablement un peu plus tard – le sort incertain du journalisme me laisse perplexe.

Des médias affaiblis

Le déclin de l’écrit semble enclenché de façon certaine en s’appuyant sur les données du Pew Research Center. Les revenus des journaux reculent fortement du côté de l’imprimé. Les revenus en ligne augmentent mais ils ne remplacent d’aucune façon la vache à lait traditionnelle1.

Les tendances de consommation de médias sont aussi inquiétantes pour la télé2. Les jeunes générations, recherchées par les médias et publicitaires, sont accrochées à leurs téléphones mobiles mais ce sont les géants de la recherche et des réseaux sociaux qui récoltent l’intérêt et l’argent3.

Ces générations ne semblent pas accorder la même importance à l’information que les générations précédentes4. Le résultat, c’est la diminution de 25% des effectifs des salles de nouvelles comparativement aux années 1970. Il ne faut ainsi pas se surprendre de voir la qualité du journalisme reculer.

Ce décrochage m’inquiète énormément. Les médias voudront faire de l’argent, ce qui les poussera à mettre d’avantage l’accent sur le divertissement afin de retenir l’attention du public. C’est déjà amorcé avec certaines chaînes qui abandonnent le format des nouvelles à 22h. Le public ne se sent pas obligé de lire et regarder les nouvelles afin de se tenir au courant de ce qui se passe.

Nous risquons de voir les journalistes laisser le champ libre au divertissement comme passe-temps. Je peux bien comprendre que la population trouve les nouvelles démoralisantes parce que l’on rapporte généralement ce qui ne va pas bien dans une société.

Les médias sont affaiblis par leurs défis économiques et les défis sociaux ne sont pas moindres. Si les salles de nouvelles ont moins la capacité de lever le voile sur la corruption, le patronage, la violation des droits et autres fléaux, la démocratie en souffrira.

Si le quatrième pouvoir n’agit pas à titre de chien de garde, les trois autres (le législatif, l’exécutif et le judiciaire) seront affaiblis par les fléaux dont je viens de parler. L’opinion publique ne pourra pas autant réagir lorsque l’intérêt public sera menacé.

La guerre des médias

Tout cela est bien inquiétant, mais ce n’est pas tout. Au Québec, une guerre des médias sévit depuis des années. Des «empires» de presse se battent non seulement pour leur survie à long terme. Ils ne démontrent aucune solidarité devant le défi commun qu’ils affrontent.

Un exemple ? Les règles traditionnelles non écrites du journalisme, enseignées dans toutes les bonnes écoles, devraient pousser les journalistes à resserrer les rangs quelque peu.

Pourtant, c’est le contraire qui se produit. Si un média publie un scoop, les autres hésitent à le reprendre de façon immédiate avec attribution. Citer un concurrent devient un interdit pour des motifs de commerce et de jalousie. L’idée de reprendre la nouvelle strictement parce qu’elle est d’intérêt public prend le bord à moins que les médias se considèrent suffisamment amis pour le faire.

Ce contexte nourrit mes craintes. En sortant de la profession que j’aime, je me demande quel est son avenir. J’espère que les salles de nouvelles n’entrent pas dans un déclin professionnel et commercial irréversible.

En partant pour l’étranger, je souhaite ardemment que ma profession ne fait que traverser une crise temporaire et qu’il y aura de la lumière au bout du tunnel.

On croise les doigts car les conséquences d’un déclin pourraient être sérieuses.

Références

1: http://www.journalism.org/media-indicators/newspaper-print-and-online-ad-revenue/
2: http://www.stateofthemedia.org/2013/local-tv-audience-declines-as-revenue-bounces-back/
3: http://www.pewinternet.org/2015/01/09/social-media-update-2014/
4: http://thenextweb.com/media/2012/03/05/the-decline-of-traditional-media-infographic/

Michel Munger

I am an experienced communicator who worked in journalism for 15 years at La Presse, the TVA Group and Le Journal de Montréal. I spent a year at the United Nations in Germany and now am an internal communications editor at DHL. I founded the Bayern Central blog in 2011 and ran it for seven years. Cyclist, beer and coffee snob.